La saga Peugeot défraie la chronique. Sur fonds de désaccords profonds et anciens, pour ne pas dire « recuits » entre branches familiales, la recapitalisation du groupe automobile tente de s’organiser, avec deux secouristes improbables : l’état Français et un groupe industriel Chinois !

A première vue, on croit rêver. Le Berceau Montbeliard du groupe, serait happé par des nourrices chinoises du nom de Dongfeng. Coup de grâce pour un groupe ancré dans le terroir français, fier de son identité nationale et familiale, et qui a longtemps résisté aux sirènes de la délocalisation de ses sites de production, au risque de mettre le groupe en péril !
Quant à l’état, second sauveur tout aussi surprenant après les passes d’armes entre ministres et membres du clan Peugeot au printemps dernier, il s’invite au capital, alors que l’entreprise a toujours revendiqué son indépendance, et farouchement défendu son caractère « privé » par rapport à son rival historique.

Certains comme Daniel Fortin y voient les failles d’un capitalisme familial empêtré dans son patriotisme, ses conflits d’actionnaires et sa résistance à l’ouverture du capital à d’autres alliés plus opportuns.
Le cas Peugeot est à cet égard édifiant. Les divergences profondes entre les branches familiales ont participé à retarder les décisions stratégiques et décourager nombre de dirigeants de talents, placés malgré eux en incapacité de mener les réformes nécessaires à la mue de ce groupe. L’usure des présidents successifs est à la mesure de la cacophonie actionnariale et l’impossibilité de maintenir une ligne directrice réconciliant les points de vue.

Pour réussir dans la durée, la transmission intergénérationnelle du capital a un prix : l’unité.

L’unité se construit par le dialogue, par une volonté des parties à dépasser leurs propres intérêts et une capacité à lutter contre les tentations de prises de pouvoir illégitimes. Mais surtout, elle prend sa source dans le réalisme, qui permet d’éviter de se bercer d’illusions (notamment sur les chiffres…), et de prendre des mesures qui s’imposent, quelles que soient les divergences de points de vue des parties.

Trop souvent, les groupes familiaux maintiennent un morcellement de l’actionnariat, au nom de faux principes de « conservation de l’héritage », sans organiser la liquidité intra-groupe, voire continuent de vivre ensemble sans pacte d’actionnaires. Des branches familiales sans fonction de direction peuvent rester au capital sans partager les vues des dirigeants et bloquer ainsi toute décision. L’absence d’adhésion d’une majorité d’actionnaires à une stratégie peut ainsi bloquer durablement une entreprise et l’empêcher de prendre les virages qui s’imposent, au risque de la mener à la faillite. Quant au cas trop souvent répandu d’un partage à 50-50 du capital, non assorti de règles fixant la liquidité des parties, et organisant la mutation de l’entreprise en cas de divergences
profondes, il conduit à des situations aberrantes, mélange d’immobilisme, d’indécision, d’enlisement et de rage, dont les salariés sont les premières victimes. Si les pactes d’actionnaires ne résolvent pas tout, ils ont au moins le mérite de prévoir et anticiper le règlement de certaines situations et d’orchestrer la liquidité entre branches familiales. Quant aux divergences entre actionnaires, elles peuvent être résolues par une farouche volonté de dialogue et une démarche constructive de médiation. Avant de s’étriper par voie de presse interposée, ou de se retrouver dans les prétoires, il peut être salutaire de tenter d’autres voies !