Il est des réjouissances qui ne durent que le temps d’un été, aussi fugace que la couleur des blés dorés sur les collines toscanes avant l’orage de fin août.
Pourtant dans cette histoire, personne ne manquait a priori de dioptries pour voir la réalité dans sa plus grande crudité et si dioptries il venait à manquer, verres correcteurs et lunettes de toute sorte pouvaient être mises à disposition des parties prenantes pour éclairer leurs choix et s’engager dans un chemin commun, sans myopie comportementale ni illusion d’optique.

Le tumulte d’une fusion tumultueuse

En janvier 2017, lors de l’annonce officielle, la fusion Luxottica et Essilor s’est accompagnée d’un concert de louanges retentissantes de part et d’autre des Alpes : « une fusion pour voir grand », « la naissance d’un géant de l’optique au service du monde », « un rêve enfin devenu réalité »… Les fées semblaient toutes penchées sur le berceau d’un nouveau-né aux allures de Dieu de l’olympe, conquérant, fougueux, doté de milles dons, et d’un appétit de croissance vorace.

La naissance d’un géant de l’optique

Il fallut pourtant peu de temps pour constater que ce Dieu de l’optique était en fait un hydre à deux têtes dont le conflit céphalique altérait la superbe et brouillait définitivement le sens de la direction !

Siège à Paris, premier actionnaire Italien… face à face le français Hubert Sagnières, PDG d’Essilor et vice-PDG délégué d’Essilor Luxottica, et le patriarche Italien toujours actif et plus que directif, co-dirigeant du groupe, Léonardo Del Vecchio dont la holding contrôle plus de 31% de l’entreprise… Chacun accusant l’autre de ne pas respecter les accords initiaux et les principes de gouvernance qui prévalaient lors du rapprochement. Comme dans les opéras italiens, les portes claquent, les lettres piégées se multiplient, les plaintes se clament haut et fort, avec une partie du public ravie et redemandant du spectacle, et une autre qui pleure à grosses larmes et gémit avec les violons sur les désastres d’un divorce qui pour une fois n’est pas à l’italienne.

Une seule leçon, simple et éternelle est à tirer de cette épopée lyrique qui n’en finit pas de désespérer la bourse et les banquiers : Les égos sont les pires ennemis des rapprochements qui voudraient réussir. Certains ont la bonne idée de se heurter frontalement avec emphase et clameurs avant la publication des bancs et évitent ainsi un mariage voué à l’échec. Publicis et Omnicom nous en avait livré le feuilleton et le secret il y a quelques étés. D’autres agissent plus sournoisement, en prenant sur eux, et maîtrisant leurs ardeurs jusqu’au dernier moment, voire rivalisent de ruse pour endormir la vigilance de leurs futurs partenaires, certains qu’ils gagneront in fine à cette bataille de l’égo déjanté… le mariage est scellé et le conflit explose alors au grand jour, laissant exsangues les sociétés vouées au silence des victimes innocentes.

A bon entendeur salut ! La surdité accompagne souvent l’aveuglement quand les égos s’en mêlent !